La descente des aides, pierre angulaire d'une nouvelle équitation

La descente des aides a une double vertu. Elle va être l'instrument privilégié de l'éducation du cheval et dans le même temps, l'outil qui apprend au cavalier le sens de la mesure et développe son esprit d'observation et d'analyse, prêt à se remettre en question.

Leurs éducations simultanées, outre de le fait de remettre notre équitation sur ses deux jambes, est la base de la bientraitance du cheval, enfin considéré comme sujet et non plus comme objet. Et surtout, elles instaurent un changement radical d'état d'esprit. De partenariat et d'adhésion chez le cheval. D'empathie et de tact chez le cavalier.

Il est important qu'il soit inculqué à ce dernier dès le début de son apprentissage pour qu'il acquière une base culturelle qui l'accompagnera tout au long de son parcours, d'équitant comme d'être humain.

Bambi, l'entier; et Élodie2

Bambi, l'entier, et Élodie en marche avec pli

Le cheval – Descente des aides, instrument privilégié de son éducation

Le courant actuel

Notre équitation actuelle, d’inspiration dauriste - l’équitation d’extérieure adoptée par l’armée au 19e siècle – préconise la soumission aux aides préalable à la légèreté. Exemples chez de fins cavaliers :

Juan Diego Garcia-Trevijano : La descente d’aides ne peut être que la culmination du dressage et non le début. Il faut obtenir l’obéissance complète aux aides pour ensuite pouvoir s’en passer.

Guillaume Henry dans « Placer son cheval » (Belin) : La mise en main s’obtient progressivement et découle du travail de la mise sur la main. (p. 63).

Rappel : la mise sur la main consiste à recueillir l’impulsion venant de l’arrière-main pour la canaliser. Le comte d’Aure (père de cette équitation) disait : Il en est du cheval comme d’un bateau, on le mène par les deux bouts.

La mise en main consiste pour le cavalier à mettre son cheval "dans la main", opération définie ainsi par Nuno Oliveira : C'est équilibrer le cheval et lui donner cette légèreté qui lui permet d'apprécier les moindres actions du cavalier instruit.

Est-ce à dire qu'elle n'est pas à la portée d'un cavalier débutant ? Tel n'est pas notre avis. À condition d'apprendre au cheval à céder au lieu de résister (ce qui s'obtient très vite avec l'outil descente de main et le travail à pied) et au cavalier la déconctraction, préalable indispensable à son éducation, et à ne pas tirer sur les rênes (en agissant au moyen de la main fixe de nos maîtres en légèreté).

Cette mise sur la main peut être nécessaire dans les cas où une conduite « au cordeau » s’impose. Mais avec un cavalier peu sûr de son équilibre ou de tempérament brutal, on imagine le calvaire du pauvre cheval qui a le mors dans la bouche et qui devient, comme l’éperon, un « rasoir entre les mains d’un singe ».

Photo Thiery Ségard

Flexion de nuque et mise en main. En créant tranquillement et sans brusquer le cheval une tension mesurée sur les rênes, mains basse, puis en fixant les mains (sur les cuisses dans notre cas), le cheval fléchit sa nuque, décontracte sa mâchoire et vient en-deçà de la main. Ce faisant, il retrouve le confort de la descente des aides. Une fois le placer obtenu, la main cesse de se fixer pour se mettre en contact passif (mains accompagnantes, toujours en descente des aides).

Les vertus de la descente des aides

Un peu d’histoire. C’est La Guérinière au XVIIIe siècle qui institutionnalise ce concept. Le cheval éduqué, mis dans un équilibre assis, en vogue à cette époque, les aides peuvent descendre tout en restant vigilantes pour maintenir le cadre du mouvement. Le cheval est en liberté surveillée constate Jean-Claude Racinet, un de nos maîtres à penser du XXe siècle.

Baucher au XIXe critique à la fois le cheval assis de l’ancienne équitation, construit en montée, et celui en descente du comte d’Aure qui s’appuie sur la main pour réguler l’impulsion comme s’il descendait une pente. (Sans cet appui le cheval se retrouverait « dans le vide » disent les cavaliers dauristes. Constat de votre serviteur, J’ai fait 40.000 km sur les routes du monde avec un cheval dans le vide !).

Il préconise un cheval horizontal, qui se soutient de lui-même dans son équilibre parce qu’en descente des aides. En équitation, disait-il, le mot équilibre résume toute la science. >

Découverte

Un jour qu’il travaillait son cheval dans un manège, Baucher est interrompu par un collaborateur. Il arrête son cheval, le retient par une tension des rênes et fixe machinalement sa main contre la selle. Un instant plus tard, il constate que plus aucune tension ne s’exerce sur les rênes. Le cheval en fléchissant sa nuque s’était placé en-deça de la main pour retrouver son aisance.

Ce fut une révélation. Avec un système d’aides fixes judicieux, le cheval lui-même prend l’initiative du geste et descend les aides.

D’Orgeix met cette aptitude au cœur de son enseignement grâce au principe de la Barrière qu'il développe dans le titre éponyme d'un chapitre de « L’équitation » (éd. Robert Laffont – p. 113)

Avec les « nouveaux maîtres » de l’équitation dite éthologique, le concept évolue encore. En appliquant le principe « inconfort- confort », la descente des aides devient l’outil privilégié de l’éducation du cheval.

En clair, l’inconfort de la demande est suivie du confort de la descente des aides dès la bonne réponse obtenue. Elle est la première des récompenses préconisées par la pédagogie comportementale à renforcements (qui s’applique aussi bien à l’homme qu’à l’animal).

Ses vertus sont nombreuses : 1 – Elle supprime l’inconfort de la demande et manifeste au cheval la bienveillance de son cavalier, 2 – elle lui permet de comprendre qu’il a bien répondu, 3 - elle l’incite à reproduire cette réponse lors d’une demande similaire, 4 - elle l’amène à se complaire dans le cadre des aides définissant un mouvement (auto-impulsion), 5 – et, cerise sur le gâteau, le cheval, sachant qu’il retrouve le confort de la descente des aides chaque fois qu’il donne la bonne réponse, en vient à la chercher dans un esprit de collaboration.

Le cavalier – La descente d'aides, outil de l'éducation au tact au moyen de deux savoir-faire inédits

Décontraction

La décontraction, préalable à toute éducation

Les deux fondamentaux qui suivent donnent confiance au cheval et entraînent son adhésion. Ils sont également à la base de sa bientraitance. Ils sont tous deux intimement liés à la descente d’aides préconisée par nos maîtres de l'équitation de légèreté.

1 - Le contact passif qui accompagne tous les mouvements de la tête du cheval. La main appartient à sa bouche, plus à vous. Le contact est en descente.

2 - Le couplage des membres du cavalier avec ceux du cheval. Il habitue le cavalier à « prendre » lorsque le membre correspondant est au soutien, et à « rendre » lorsqu’il est à l’appui. Prendre est l'action de demander (inconfort), rendre est la descente des aides qui suit (confort). La gestuelle se fait donc par touches successives, en rythme avec le mouvement des jambes du cheval. La mise en action du mouvement ne démarre, bien sûr, qu'après avoir mis le cheval dans l'équilibre correspondant : La position précède l'action (Baucher).

Dans le travail à pied d’autres critères interviennent (demande par palier successifs, sens du geste, affirmation de soi…). Son importance est capitale car c'est lui qui fera faire au cheval les assouplissements nécessaires au travail monté et lui permettra de passer de son équilibre naturel à celui de la masse qu'il aura à gérer une fois le cavalier sur son dos. Mais, comme le travail monté, il forme des cavaliers empathiques ayant le sens de la mesure, sachant observer, analyser, comprendre et se remettre en question.

Pour mieux comprendre, je vous propose, pour une première approche, de visionner les vidéos consacrées à ces pratiques dans le billet intitulé Tact équestre du 14 mai 2025.

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