Faut-il supprimer la bride de nos compétitions ?

L’effet mécanique et donc principal du mors de bride est de fléchir la nuque. Ce faisant, effet secondaire, le cheval a tendance à baisser la tête par commodité. D’où son nom de mors fléchisseur-abaisseur.

Cheval sur la main dans une équitation d'appui

Remarquez que les rênes sont tenues de façon classiques. Conséquence, le mors de filet agit au même endroit que le canon de la bride, annulant son rôle releveur et augmentant l'effet fléchisseur de la bride. La tenue "à la française", où celles de bride passent en-dessous de l'auriculaire tandis que celles de filet se positionnent entre le pouce et l'index, sépare bien mieux l'effet releveur du mors de filet, du rôle fléchisseur-abaisseur du mors de bride.

Comment agit-il ? Le canon, actionné par les branches et prenant appui sur la gourmette placée au-dessus, exerce une pression sur la langue puis sur le maxillaire inférieur. Il en résulte une force en direction du corps du cheval qui entraîne une rotation de l’articulation de la nuque dans le sens des aiguilles d’une montre. On est dans le cas d’un levier du deuxième genre (la résistance – exercée par la mâchoire – est située entre le point d’appui - la gourmette - et la force - la traction des rênes).

Comme tout levier, son but est de multiplier la force du cavalier. C’est l’outil idéal pour obtenir le rolllkur (hyperflexion du bloc tête-encolure). Il a été créé pour que le cavalier puisse vaincre facilement les résistances de force que le cheval mal éduqué oppose naturellement à son cavalier lorsqu’il cherche à disposer de sa tête.

On voit que, encore plus que l’éperon, ce mors de bride est un rasoir entre les mains d’un singe. Joint à ce sacro-saint contact dont le but est de canaliser l’impulsion venant de l’arrière-main et qui interdit toute descente des aides, il génère une équitation de soumission qui avait cours à l’époque où le cheval était utilisé comme outil - destiné en particulier à faire la guerre - mais qui n’est plus de mise à l’heure où elle est devenue une activité de loisir qui recherche l’adhésion de l’animal et sa complicité.

La fédération internationale, constatant que même à un haut niveau de dressage, certains cavaliers ne peuvent s’empêcher de laisser leur hubris reprendre le dessus et de malmener leur monture, envisage à juste titre de supprimer les outils utilisés pour ces pratiques. On ne peut que s’en féliciter. Nos champions ont comme devoir de montrer l’exemple et de participer aux compétitions en harmonie avec leur monture.

Cependant, des autorités aussi indiscutables que Christian Carde demandent le maintien de cet instrument malgré les constats de langue bleuie, voire de saignements. « Compte tenu de l’utilité que la bride revêt dans le dressage du cheval et la recherche de la mise en main, ce serait une erreur de l’interdire, souhaite-t-il. »

Mon avis est différent. En effet, avec du doigté, le cheval peut s’éduquer aux placers avec un mors de filet ordinaire. Parfois, en cas de débourrage et de dressage mal menés, des outils plus contraignants (bride, enrênements, éperons) peuvent s’avérer utiles (et d’autres inutiles comme la muserolle), conservons-les donc dans notre boite à outil pour des étapes temporaires de sa rééducation.

Équitation de légèreté et cheval en main (Beudant sur Vallérine)

Beudant, en descente d'aides avec un simple mors de filet, sur Vallérine au passage, qui se soutient d'elle-même : voilà de la belle équitation. "

Mais de grâce, à l’heure où l’équitation en France a cessé depuis un siècle d’être "utilitaire" pour devenir une activité de sport, de détente et de reconstruction personnelle censée être "de légèreté", à l’heure surtout où les artistes équestres nous montrent les incroyables aptitudes du cheval au dialogue lorsqu’on le traite comme sujet et non comme objet, supprimons la bride et tous les instruments de coercition de nos terrains de compétition.

Frédéric Pignon, Templado et Dao sur la plage à Paradise Cove. Photo : Frédéric Chéhu

English version

Should the double bridle be removed from competitions?

The point of view of the author of “L'équitation de légèreté par l'éthologie” (Lightness in Riding through Ethology) and “'L'éducation bienveillante du cheval et de l'être humain : l'effet miroir” (“Gentle Education of Horse and Human: The Mirror Effect").

The mechanical and therefore primary effect of the double bridle is to flex the neck. As a secondary effect, the horse tends to lower its head for comfort. Hence the name “flexing-lowering bit”.

How does it work? The mouthpiece, activated by the prongs and supported by the curb chain positioned above exerts pressure on the tongue and then on the lower jaw. This results in a force directed towards the horse's body, causing the neck joint to rotate in a clockwise direction. It is an example of a second-class lever (the resistance—provided by the jaw- is located between the fulcrum - the curb chain - and the force - the reins’ traction).

Like any lever, its purpose is to multiply the rider's force. It is the ideal tool to achieve “rollkur” (hyperflexion of the head-neck junction). It was designed so that the rider could easily overcome the forceful resistance naturally offered by a poorly trained horse when the rider tries to take control of its head.

Clearly, even more than the spur, the double bridle is a razor in the hands of a monkey. Combined with the sacred concept of “contact” - whose purpose is to channel the impulsion coming from the hindquarters and which forbids any release of aids - it leads to a form of submissive riding that belonged to an era when the horse was used as a tool, especially for warfare. But this is no longer relevant now that riding has become a leisure activity, aiming for the horse’s consent and partnership.

The international federation, realizing that even at the highest levels of dressage some riders cannot resist letting their "hubris" take over and abuse their horses, is rightly considering banning the tools used in such practices.

We can only applaud this move. Our champions have a duty to set an example and compete in harmony with their horses.

However, even respected authorities such as Christian Carde call for the retention of this instrument, despite the evidence of bruised tongues or even bleeding. “Given the usefulness of the double bridle in training the horse and achieving contact," he says, “it would be a mistake to ban it.”

My opinion differs. Indeed, with finesse, a horse can be educated to flex properly using a simple snaffle bit. Sometimes, when breaking or training has been poorly handled, more restrictive tools (double bridle, reins, spurs) may prove useful (unlike some others such as the noseband, which are unnecessary), so let’s keep them in our toolbox for temporary re-education stages.

But please, now that riding in France has not been "utilitarian" for over a century and has become a sport, a leisure activity, and even a means of personal growth - meant to be about "lightness" - especially now that equestrian artists are showing us the horse’s incredible ability to engage in dialogue when treated as a subject rather than an object, let’s remove the double bridle and all coercive instruments from our competition arenas.

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