Communication avec le vivant, clef de la conscience écologique

De nombreux chercheurs, prenant conscience du peu de cas que nous les occidentaux faisons de la nature (je dénonce dans mon essai les archétypes bibliques et cartésiens qui sous-tendent cette attitude), déplorent notre manque de communication avec le vivant, socle de notre indifférence aux grands enjeux écologiques de notre temps.

Lévi-Strauss parle de situation tragique et de malédiction ; l’anthropologue Philippe Descola [1] souligne que le concept de nature est une croyance étrange des occidentaux qui crée un rapport conflictuel et destructeur à l’égard du monde vivant ; le professeur Joseph Campbell [2] nous révèle que les clans des natifs américains se disaient les descendants d'ancêtres mi-animaux, mi-humains qui avaient engendré non seulement les membres du clan mais l'espèce animale dont le clan portait le nom, ce qui en faisaient des cousins par le sang ; Baptiste Morizot [3] déclare que la communication avec le vivant n'a jamais cessé d'être possible, sauf pour une civilisation qui a défiguré les autres vivants en machine et propose pour retrouver ce temps du mythe le pistage car dit-il, pour enquêter sur l’art d’habiter des autres vivants comme pour tisser avec eux des rapports sociaux, il faut se mettre à leur place, voir par leurs yeux, marcher avec.

Pour marcher avec l'animal, entrer dans les arcanes de son esprit, il existe d'autres pratiques qui débouchent sur d'autres champs de la communication : l'apprivoiser ou mieux, l'initier au dialogue, autrement dit, créer un langage commun.

Pour parvenir à cet objectif, il suffit de commencer avec son animal de compagnie, chien, chat, cheval. Deux conditions sont nécessaires : 1 - créer un langage par signes au moyen d'un conditionnement - méthode dite comportementale, sorte de jeu qui consiste à partir d'une demande à orienter l'animal vers la réponse adéquate -, 2 - le considérer avec bienveillance, comme une personne.

Critique fréquente de cette seconde condition, « Dans ce cas, vous tombez dans l'anthropomorphisme ! » Faux ! Considérez l'animal comme une personne ne consiste pas à penser qu'il a froid quand j'ai froid, qu'il est fatigué quand je suis fatigué ou qu'il a peur quand j'ai peur. Mais au contraire à connaître et à respecter une nature différente de la mienne, à m'adapter à sa manière d'apprendre et d'assimiler des informations (d'où le langage prioritairement par signes), à veiller par une relation de confiance à ce que son esprit reste ouvert tout au long de notre rencontre. Bref à le considérer comme sujet dans une attitude bienveillante qui bannit peur, colère et impatience, et adopte comme ligne de conduite une remise en question permanente.

Mr Feydh - Dialogue (extraits)

La vertu de cette expérience est qu'elle nous ouvre la porte du vivant. Notre animal de compagnie devient l'incarnation de tout ce qui vole dans les airs, nage dans les eaux ou rampe sur la terre. Nous ne cherchons plus à le soumettre ou à le dominer mais à le comprendre, à partager. A travers son esprit, nous découvrons l'esprit du vivant, celui qui insuffle la création. Et nous voilà pénétrés d'un immense respect pour ce vertigineux mystère qui fait que l'araignée tisse sa toile, l’abeille vit dans une communauté sans chef, la plaie se cicatrise, les étoiles fabriquent la matière, l'eau et le soleil façonnent la vie, l’énergie vitale reste une énigme…

Notes

[1] dans son livre Par-delà nature et Culture

[2] dans son ouvrage Le héros aux mille et un visage (p. 511)

[3] dans Sur la piste animale (p. 27)

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