L'équitation de légèreté : Danse avec lui !

Liberté, amour, égalité… autant de mots passe-partout que nous brandissons volontiers comme des drapeaux et nous utilisons sans trop savoir ce qu'ils signifient. Ainsi en est-il de la légèreté en équitation. Quel est le sens réel de cette expression ?

Commençons par enfoncer une porte ouverte : un cheval léger est un cheval qui se soutient de lui-même. Et qui répond à des demandes qui respectent sa nature. Développons ces questions.

Le cheval qui se soutient de lui-même

Équilibre et liberté musculaire dans le cadre des aides

Le cheval qui se soutient de lui-même est un animal en équilibre dans l'attitude du mouvement demandé. Il est en pleine liberté musculaire dans le cadre des aides, lequel définit l'équilibre de ce mouvement. Si une de nos aides exerce une tension ou une pression quelconque, une force extérieure intervient avec laquelle le cheval doit composer. Il ne se soutient donc plus de lui-même, adieu la légèreté ! Pour que le cheval se soutienne de lui-même, il est impératif que nos aides soient descendues.

Exemple pratique du mors qui, soulignons-le, fait partie du cadre définissant l'équilibre d'un mouvement. Un cheval sur la main s'appuie plus ou moins légèrement sur le mors, soit qu'il vienne le chercher par une impulsion provenant de son arrière-main, soit que le cavalier tire sur les rênes (cas le plus fréquent). Dans ces deux cas, composant avec une force extérieure (qu'il crée ou qu'il subit), le cheval n'est plus dans la légèreté. À preuve que la descente des aides n'est plus possible. En revanche, le cheval en main qui s'installe donc dans le cadre posé par la main, est en pleine liberté musculaire et se soutient de lui-même. Pour le cavalier, l'évaluation est très simple, lorsque le cheval est sur la main les rênes sont tendues et la tension est palpable, en main les rênes sont semi-tendues et la tension est nulle ou quasi nulle.

Légèreté - Pose du cadre de l'équilibre demandé

Demande de placer - Pose du cadre fixe en douceur, par pallier successifs (ici, les mains sont fixées sur les cuisses). Au cheval de trouver la bonne réponse. Lorsqu'il la trouve, il est "en main", il se soutient de lui-même, les rênes sont semi-tendues. Ce faisant, c'est lui qui descend les aides.

Cadre de l'équilibre

Ce cadre n'est pas rigide, il se met en place par une posture ad hoc du cavalier et interagit avec le cheval via des prendre-rendre successifs qui prennent tout leur sens lorsqu'on couple nos membres à ceux du cheval : le bras gauche avec l'antérieur gauche, le bras droit avec l'antérieur droit, la jambe gauche avec le postérieur gauche et la jambe droite avec le postérieur droit. L'action d'une rêne d'appui gauche par exemple n'agit que lorsque le cheval soulève son antérieur gauche. On dit que la main "prend"[1]. Elle "rend" - et donc descend - aussitôt que le cheval repose son pied. Ce prendre-rendre permanent nécessite le sens du rythme car son action ne sera pas la même au pas, au trot ou au galop. D'autant plus que dans la réalité, c'est l'ensemble des aides qui détermine le cadre du mouvement. Il fluctue à chaque pas. Soyons clair, il s'agit d'une danse qui, comme toute danse, exige l'indépendance des aides. Je ne saurai trop recommander à des cavaliers mal à l'aise avec leur corps de s'inscrire à des cours de danse et de percussion.

Danse avec moi - par Alexandrine

L'équitation de légèreté - Danse avec lui !

Ce procédé par touches successives développe rapidement le tact équestre (l'action de notre rêne d'appui devient très vite une caresse sur son encolure) et convient très bien au cheval car il l'amène à se mettre de lui-même dans le bon équilibre. On est dans une équitation d'adhésion et non de soumission, la relation s'en trouve transformée. Ainsi le cheval léger n'est pas l'animal calme, en avant et droit qui vient sur la main, mais calme, attentif, en équilibre et droit qui est en main.

Contact et descente des aides

Parlons maintenant de ce sacro-saint contact. Dans l'équitation de légèreté voici comment on procède : premier temps, on établit une légère tension des rênes par recul des coudes (quelques grammes - juste le poids des rênes), les avant-bras sont dans le prolongement des rênes, écartés du corps pour que les articulations des épaules et des coudes puissent jouer librement ; deuxième temps, le plus difficile : les mains deviennent passives et accompagnent la bouche du cheval quel que soit son mouvement ; elles n'appartiennent plus à notre génial cerveau mais à la bouchedu cheval. Ces mains sont en descente, elles bougent, toujours au contact, mais n'agissent pas.

Légèreté - Main accompagnante.

La main accompagnante n'agit pas. Elles est passive, en descente et pourtant au contact, prête à dialoguer avec le cheval par des touches légères, couplées avec le mouvement de l'animal.

Un bon moyen d'obtenir ce contact passif est de le travailler au cours d'une promenade avec un cheval dans un pas tonique (l'action de la bouche est alors bien nette), les coudes bien écartés du corps pour que main et avant-bras puissent aller et venir librement, en fonction des mouvements de la tête. N'ayez pas peur de caricaturer, vous reviendrez à plus de sobriété plus tard.

Respect de la nature du cheval

Le comportement du cavalier est celui d'un meneur de jeu, il a l'autorité d'un maître, le calme et la patience d'un moine, la bienveillance d'un père[2]. Il montrera à son cheval le respect, l'attention, la confiance qu'il lui porte en le traitant comme une personne[3].

Le cheval apprenant prioritairement par associations successives, on respectera sa nature en travaillant d'abord à pied pour lui enseigner le respect, l'attention, la confiance et la malléabilité (le cheval cède au lieu de résister). Personnellement, je propose dans mes stages quatre exercices de base qui permettent au cheval d'obtenir facilement ces objectifs et au cavalier d'acquérir le rang hiérarchique de meneur de jeu, sans lequel le cheval ne le prend pas en considération. Plus, si vous disposez d'un rond de longe, un exercice en liberté que j'appelle "Allures et transitions" qui apprend au cheval à coupler son esprit au vôtre et à gérer son mental.

Ensuite dans l'équitation montée, si vous voulez vraiment être léger et ne plus vous raccrocher aux rênes, l'idéal est d'apprendre à s'en passer. En particulier dans les transitions, pas-trot, trot-galop, pas-galop ou pas de reculer-galop (avec un collier d'encolure). Le rond de longe ou la promenade en extérieur, notamment en terrain varié, nous apporte la décontraction nécessaire. Puis apprenez à accompagner la bouche du cheval avec le contact passif décrit ci-dessus et exercez-vous à suivre le mouvement des antérieurs avec vos mains, sans agir, juste pour prendre le rythme, aux trois allures. Votre façon de monter en sera transformée.

L'équitation de légèreté : une culture de non conflit[4]. Elle nécessite écoute, travail et remises en question. Mais la récompense est là, votre cheval vous donne l'impression qu'il fait ce que vous lui demandez pour vous faire plaisir ; il devient très vite le complice de votre vie.

Notes

[1] elle se fixe un instant et pose ainsi les limites du cadre, incitant le cheval à se mettre dans l'équilibre adéquat.

[2] Cf mon ouvrage ("L'équitation de légèreté par l'éthologie"), p. 32.

[3] Mon essai ("L'éducation bienveillante du cheval et de l'être humain : l'effet miroir") p. 13 et ch. 1, p. 15.

[4] Développée par nos maîtres. Entre autres, La Guérinière qu a institutionnalisé la descente des aides, Baucher qui a préconisé la fixité de l'aide comme agent actif de la demande, D'Orgeix pour le cadre du mouvement, etc. etc.

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